vendredi 11 mai 2007

APPEL DE MÔM (27 avril 2007)


UNE ORAISON POUR UN HORIZON


Mesdames et Messieurs,

Camarades,

J’ai enlevé mes chaussures avant de prendre la parole. Pourquoi ? Parce que ceux qui nous attendent à Môm depuis le 27 décembre 1956 ont transformé ce modeste coin du Cameroun en un lieu sacré.

Il y a 51 ans en effet, certains de nos parents ont été, ici même, lâchement assassinés. Ils n’ont pas eu droit à un enterrement décent. Leurs dépouilles en décomposition étaient à la merci des chiens et des charognards. Ceux qui étaient à l’origine de leur assassinat s’en sont débarrassés par une inhumation de fortune dans une fosse commune.

En votre nom à tous et en ma qualité de Député à l’Assemblée Nationale du Cameroun, je prends humblement acte de la manière dont chaque confession de l’Eglise au Cameroun s’est distinguée pour l’événement qui nous rassemble aujourd’hui. Qu’il me soit donc permis de dire toute ma sincère gratitude à l’Eglise Presbytérienne du Cameroun, ici valablement représentée par le Révérend Pasteur Lingôm de la Paroisse Botnem à Bômb Lissôm : à travers lui, cette confession religieuse a accepté d’entourer les familles éplorées et mutilées qui, depuis 51 ans, attendaient de faire le deuil de leurs parents disparus.

C’est un triple devoir qui nous réunit à Môm Dibang: un devoir de mémoire, un devoir de gratitude et un devoir d’avenir.

Un devoir de mémoire…

Les martyrs de l’indépendance et du nationalisme camerounais étaient des jeunes gens ; ils étaient beaux ; ils étaient en bonne santé. Ils sont venus à Môm pour que le prêtre Ngote leur livre son chasseur - un certain Bikaï qui venait d’assassiner un upéciste par balle à Song Mawém. Pour protéger son assassin de chasseur, le père Ngote a plutôt fait secrètement mobiliser l’armée coloniale, au prétexte que les nationalistes venaient l’assassiner, lui. C’est ainsi ces jeunes gens sont tombés sous les balles d’une embuscade, victimes d’une contrevérité pas très catholique. Même les médiateurs accourus pour permettre de raison garder ont subi l’aveugle fusillade de l’armée coloniale convoquée sous un saint mensonge…

En 1956, l’Eglise catholique dirigée par des missionnaires coloniaux était férocement hostiles aux nationalistes. Le prêtre camerounais, tout au service du maître colonial, traitait ces derniers de communistes et, pour les traquer, n’hésitaient pas à violer le secret du confessionnal. Mpôdôl a laissé des écrits sur ces regrettables incompréhensions. Nous craignons de constater que 51 ans après, les choses n’ont pas vraiment changé malgré les sermons sur la foi chrétienne et l’amour du prochain …

Le crime de ces jeunes Camerounais était donc d’avoir osé rêver d’un Cameroun indépendant, d’un Cameroun de dignité, d’un Cameroun où le minimum vital serait garanti au maximum de gens. L’indépendance du Cameroun était leur raison de vivre. Ils ont fait de cette raison de vivre une raison de mourir. Parce qu’ils voulaient que les filles et les fils du Cameroun se sentent pleinement chez eux au Cameroun, on les a baptisés « rebelles ». Ils sont morts pour que vous et moi puissions exister comme citoyens dans un pays de liberté, et non plus comme esclaves dans une plantation coloniale d’outre-mer. La Bible enseigne qu’il n’y a pas meilleure preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

Oui, Mesdames et Messieurs,

Ce sont des enfants du Cameroun qu’on a massacrés ici. Ils ont donné leur vie pour que le soleil brille pour tous les Camerounais, sans discrimination. Nous connaissons quelques noms de ces Martyrs de Môm. Le Patriarche André Bissim - que j’ai l’honneur de saluer - a vécu en direct ces tristes et sanglants événements. Il a commencé à dresser la liste de ceux qui sont tombés sous les mitraillettes du génocide colonial.

Mais de Môm à Ekitè, de Ngambè à Mbébè Kikot, de Genève à Bafoussam, de Putkak à Libél li Ngoï, nos Martyrs sont si nombreux qu’à vouloir les citer tous, nous risquons d’en oublier beaucoup. Or c’est en leur mémoire à tous que nous avons érigé ce monument symbolique. Puisque nous ne voulons oublier personne ni frustrer aucune des familles mutilées, nous avons demandé conseil : dans votre grande majorité, et par générosité, vous avez estimé que la meilleure manière de penser à chacun de nos Martyrs est de les réunir tous et de les protéger par un affectueux anonymat.

Chacun de nous pourra, dans l’intimité de son cœur, donner un nom connu et un visage familier au défunt qu’il aimait et qui se sera sacrifié pour l’indépendance du Cameroun. Maintenant si vous le décidez, Môm Dibang pourra, chaque 27 décembre, devenir un lieu de pèlerinage collectif et de recueillement intime en l’honneur des Martyrs de l’indépendance. Voilà pourquoi je propose d’appeler ce monument : Mémorial du Martyr Inconnu.

Nous sommes à Môm Dibang pour nous souvenir. Mais nous sommes venus ici pour tous ceux qui se sont sacrifiés dans tout le Cameroun pour notre Indépendance. Nous avons le droit de nous souvenir. Tant que certains s’acharneront à nous refuser ce droit, nous nous acharnerons à en faire un devoir. Car tout le monde peut s’arroger le droit de bafouer vos droits, en toute autocratie, et même en toute théocratie. Mais personne ne peut vous empêcher d’assumer vos devoirs. Et l’un des premiers droits de la personne humaine est le droit d’assumer son devoir.

Nous sommes ici en revendication de notre droit au devoir de mémoire. Le devoir de mémoire ne nous enferme pas dans le passé. Bien au contraire, le devoir de mémoire est ce qui garantit le droit à un avenir. La mémoire d’un peuple est la clé qui ouvre ce peuple à son avenir. Nous sommes donc à Môm Dibang pour que chaque Camerounaise et chaque Camerounais dise à sa voisine ou à son voisin : n’oublions pas. Souvenons-nous.

Si vous acceptez cette proposition, et malgré notre émotion, je vous prie respectueusement de vous lever, de vous décoiffer, pour une minute de mémoire à la gloire du Martyr Inconnu

Un devoir de gratitude…

Certains descendants des Martyrs de l’indépendance ont abandonné l’héritage patriotique de leurs parents. On en trouve même parmi les plus farouches ennemis de l’UPC pour laquelle leurs parents se sont sacrifiés. Pour ceux-là aussi, ce Mémorial est d’une très grande importance. En effet, quand ils pensent à leurs parents défunts, ils reconnaissent au fond de leur cœur qu’il est nécessaire que chacun de nous se réconcilie au présent avec son passé pour la construction de l’avenir.

Nous sommes donc heureux que des Camerounais d’autres partis politiques se soient joints à nous dans cette prière organisée pour nos parents communs. Au-delà des partis politiques, nous sommes membres d’une seule et même famille de souffrances et de frustrations. Quand il n’existerait plus des liens d’affection familiale pour cause de dispersion politique, nous serions encore intimement unis par des liens de souffrance et de mutilation. Le pouvoir nous utilise les uns contre les autres en organisant une course fratricide aux intérêts matériels et ponctuels. Il nous appartient de savoir que nous sommes liés, mais alors profondément liés par le sang de la fraternité, et surtout par le sang de nos Martyrs. Aucun avantage, aucune position dans les organigrammes de l’Etat ne devrait nous pousser à profaner la mémoire de nos parents disparus.

Quant à vous, Martyrs de l’UPC, depuis 51 ans vous êtes très inconfortablement entassés dans une fosse. Ce n’est pas vous qui reviendrez négocier des postes de Ministres, des mandats de Députés ou des sièges de Conseillers municipaux ! Mais aujourd’hui, grâce à votre sacrifice, le Cameroun a des Ministres, des Députés et des Conseillers municipaux. Certains d’entre eux portent les couleurs de l’UPC. Savent-ils seulement qu’ils ont une dette morale vis-à-vis de vous ? Ils vivent de votre mort sans penser à faire vivre votre mémoire. Comment expliquer que malgré des invitations personnalisées, ils ne se soient pas dérangés pour se recueillir avec nous sur cette fosse commune qui vous tient lieu de tombeau ? Vous n’exigez pourtant de personne qu’il vous signe une reconnaissance de dette. C’est à chacun qu’il revenait de reconnaître son devoir moral, en son âme et conscience. Cela suppose, bien entendu, que nous ayons encore tous une âme et une conscience…Nous les avons invités. Ils devaient même prendre la parole. Mais ils ne sont pas venus. Et pourquoi ne sont-ils pas là ? La raison est simple : quand on a choisi le camp des bourreaux, on n’ose plus se montrer à la célébration des victimes.

Heureusement, l’UPC 48 n’est ni l’UPC des Ministres, ni l’UPC des Députés, ni l’UPC des Conseillers municipaux. L’UPC 48 ne sera ni l’UPC des Sénateurs, ni l’UPC des Conseillers Régionaux. L’UPC 48 est l’UPC des populations militantes du Cameroun. Elle n’est donc pas une échelle dont il faut se servir pour une ascension individuelle. L’UPC 48, la seule digne d’être citée, est une cause sociale qui mérite un dévouement individuel pour des victoires sociales collectives.

Merci donc encore à vous tous qui êtes venus ; car nous pouvons considérer, sans prétention, que c’est aujourd’hui seulement que s’ouvre le cycle de l’enterrement de nos Martyrs, de tous les Martyrs de l’indépendance, après de longues décennies d’ingratitude.

Chers Parents Martyrs, nous sommes vos enfants. Et nous sommes là.

Nous sommes venus nombreux, de partout et de loin, vous dire toute notre profonde reconnaissance pour la leçon d’engagement patriotique que vous avez administrée à la nation entière.

Nous sommes venus nombreux, de partout et de loin, vous dire que le sacrifice de votre vie n’a pas été inutile. Vos dépouilles mal enterrées ne sont pas seulement des reliques : elles constituent une semence d’avenir. L’arbre dont vous étiez la graine a réussi à pousser contre vents et marées. Il porte déjà deux fruits magnifiques : l’indépendance et la réunification du Cameroun. Cet arbre est en pleine floraison; non sans difficulté, il ne lui reste qu’à porter son troisième fruit magnifique : « l’évolution très rapide des populations et l’élévation de leur standard de vie ».

Même les complices de votre assassinat reconnaissent aujourd’hui, avec 60 années de retard, que c’est l’UPC 48 qui avait - et qui continue d’avoir une vision saine, juste et humaine du destin du Cameroun. Les héritiers de ceux qui vous ont fait massacrer copient maladroitement votre programme dans leurs discours. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que l’UPC n’avait pas un programme de discours, mais un programme de travail, un programme de réalisations concrètes et visibles, durables et rentables sur le terrain. Le malheur du Peuple du Cameroun reste cependant que la gestion du Cameroun indépendant a été confiée à ceux-là mêmes qui luttaient contre l’Indépendance.

Martyrs de l’UPC 48, vos enfants sont là.

Nous sommes venus nombreux, de partout et de loin, vous dire que vous n’êtes pas seuls. Notre présence massive signifie que tous vos enfants ne vous ont pas abandonnés. Qui que vous soyez, où que vous soyez tombés, et quel que soit le lieu où vous vous trouvez en ce moment, notre prière filiale est brève : pardonnez-nous pour le retard que nous avons mis à vous enterrer. Nous restons vos enfants, vous le savez. Nous avons grand besoin de vous, maintenant sans doute plus que jamais. Ne nous laissez pas seuls.

Camarades,

Chers Patriotes et Sympathisants,

Votre dignité est d’avoir rejeté l’amnésie institutionnelle. Vous avez refusé l’oubli organisé. Contrairement à ce qu’on impose à nos enfants dans certains manuels scolaires, l’histoire politique du Cameroun ne commence pas en 1960, encore moins en 1982. L’amnésie entretenue n’est qu’un attentat de plus contre l’identité nationale. Nul ne peut vivre de ses seuls souvenirs certes, mais il n’est pas de vie véritable sans mémoire. Un peuple qui n’a pas de passé est un peuple sans avenir ; et les partis politiques qui n’ont aucune histoire à raconter ne peuvent raconter que des histoires. Quant à ceux qui s’acharnent à gommer l’histoire de l’UPC, ils ne réussiront qu’à se faire, eux-mêmes, gommer de l’Histoire de la République.

C’est dire que notre devoir de mémoire et notre devoir de gratitude sont des valeurs non négociables. Aucune de ces valeurs n’est liée à une quelconque intention de vengeance ; mais nous n’acceptons pas que des génocidaires persistent avec arrogance à diaboliser leurs innocentes victimes et à profaner leur mémoire. Chaque insulte aux Martyrs de l’Indépendance du Cameroun est une insulte au sens de la Patrie et de la Paix, deux valeurs que la devise du Cameroun indépendant exalte. C’est pourquoi nous n’applaudirons pas un pouvoir qui, par ses brutalités militaires d’hier et ses agressions administratives d’aujourd’hui, s’obstine à faire violence à nos parents défunts et à faire injure à notre devise.

Que ce pouvoir ne fasse rien pour nous, soit ! Que ce pouvoir ait même délibérément choisi de tout faire contre nous, soit ! Les persécutions dont nous sommes victimes durent depuis 1948 ! En 1955, le Bureau du Comité Directeur de l’UPC 48 dénonçait déjà « les provocations, les intimidations, les persécutions et les arrestations arbitraires (…) Aujoulat et Roland Pré croyaient qu’en agissant de la sorte, ils détruiraient le patriotisme camerounais pour asseoir des mouvements fantoches (…) mais ces hommes à courte vue n’ont pas été capables de comprendre qu’aucune force au monde ne détruira le sentiment d’un Peuple décidé à vivre libre ».

Et vous représentez un Peuple décidé à vivre libre dans un pays libéré ! L’UPC sera donc là où vous serez, non point là où le concubinage politique veut l’entraîner par compromission et cupidité.

Un devoir d’avenir

Les persécutions qu’on vous inflige sont ciblées. Plusieurs décennies après l’indépendance, plusieurs peuples du Cameroun demeurent victimes de l’indépendance même qu’ils ont revendiquée et arrachée au prix de leur sang. A titre d’exemple, les Basa’a, Bati et Mpo’o sont le seul peuple méthodiquement disloqué, et systématiquement éparpillé dans trois provinces différentes : le Sud, le Centre et le Littoral. Pourtant par son histoire patriotique et son homogénéité culturelle, par son étendue géographique, ses atouts économiques et sa position géostratégique, notre peuple mérite une Province, ou une Région. En plus d’une juste reconnaissance des sacrifices suprêmes que nous commémorons ce jour, ce serait non pas une récompense – dont nous n’avons que faire - mais un indicateur significatif de bonne gouvernance.

Si d’autres n’y pensent pas - et puisque les autres n’y pensent pas - notre devoir de mémoire nous inspire un devoir d’avenir. Et notre avenir passe par le rassemblement administratif de notre peuple. Non pour quelque stupide velléité de régionalisme, mais au nom de l’impératif de convergence et de reconstruction dont le Cameroun a manifestement un besoin pressant. L’indépendance d’une nation ne devrait pas indéfiniment servir d’arme de démantèlement, de dislocation ou d’écartèlement du peuple même qui s’est profondément mutilé pour ladite indépendance.

Hélas, qu’observons-nous aujourd’hui ?

Après vous avoir frustré de toutes vos aspirations légitimes, le pouvoir tient à nous frustrer aussi de la fierté d’être Camerounais, descendants de patriotes nationalistes, du peuple qui a impulsé la lutte pour l’indépendance. Le pouvoir et ses domestiques mettent le couteau sur cette légitime fierté qui nous rapproche presque instinctivement. L’acharnement contre l’UPC 48 traduit donc en réalité l’acharnement d’un pouvoir sur tout un peuple dont la marginalisation est, depuis longtemps, programmée. A la veille de l’indépendance, un Premier Ministre du Cameroun a menacé d’exterminer ce peuple par le feu. Quarante ans après, les objectifs ne semblent pas avoir changé ; seules les méthodes se sont raffinées : ce n’est plus par le feu, mais par la dislocation administrative et la discrimination professionnelle légalisée. Et comme le pouvoir colonial hier, le pouvoir néocolonial aujourd’hui corrompt les uns et les monte contre les autres pour se maintenir.

C’est pour cela qu’il y a autour de nous, et sans doute parmi nous, des personnes qui soutiennent étonnamment cette politique de dislocation, de dispersion et de marginalisation. Vous les entendrez tenir des discours sur l’unité de l’UPC et de notre Peuple ; en réalité ces personnes ne travaillent que pour leur affaiblissement par la division. Pour survivre, ils ont livré l’UPC et ses adhérents à ceux qui, hier comme aujourd’hui, oeuvrent pour la disparition de l’UPC et la liquidation par l’éparpillement de notre peuple !

Ces gens-là ont toujours faim. Et ils s’impatientent de s’asseoir à la mangeoire. Certains y sont installés depuis les années 60. Mais plus ils mangent, plus ils ont faim. Ces derniers temps, ils sont allés en concubinage sans vergogne : ils ont commencé par baisser les yeux ; puis ils ont baissé la tête. Aujourd’hui, ils baissent la culotte. On les croyait respectables. Ils ont été Directeurs dans nos administrations ou Ministres avant l’âge de 30 ans. Mais à près de 80 ans, ils persistent à confisquer le soleil et à boucher l’horizon à la jeunesse du Cameroun. Beaucoup ont soldé jusqu’à leur âge pour se maintenir dans une position de pouvoir dans le seul but de prolonger leur nuisance. Il faut cependant le dire : l’importance que nous avons dans la nation ne s’évalue pas nécessairement à notre capacité de malfaisance.

La dignité du silence aurait pu rester notre riposte morale à l’injure faite au patriotisme et au nationalisme camerounais. Mais il ne sert à rien de s’indigner face à une personne qui a perdu le sens de la dignité. Dans notre contexte où c’est le criminel qui culpabilise la victime, tout silence a valeur de démission. Nous ne démissionnerons pas de nos responsabilités. Nous devons être présents, au front, sur le terrain. Mobiliser nos modestes ressources humaines et matérielles pour une riposte citoyenne. Préparez-vous donc à battre l’imposture. Le concubinage politique ne passera pas. Ni dans le Nyong et Kellé, ni ailleurs au Cameroun.

En attendant, nous tenons à le préciser sur les reliques de nos Martyrs : c’est par légèreté que certains tentent rabaisser la mésentente des Upécistes à une querelle triviale de personnes. Il s’agit d’une dispute politique fondée sur un profond désaccord idéologique. L’UPC est un Mouvement de gauche, d’inspiration socialiste et progressiste. L’autre parti, l’arrière petit-fils d’ESOCAM, est un descendant de la droite colonialiste, libérale et conservatrice. On ne peut donc pas être de la gauche socialiste et progressiste et s’allier à une droite libérale et conservatrice.

Voilà pourquoi le prétendu Upéciste qui signe une prétendue alliance avec un parti de droite prouve qu’il ignore la vocation progressiste de l’UPC. S’il la connaît et signe quand même, alors il aura sciemment choisi de bafouer ladite vocation ; cela veut dire qu’il a fait un choix de transfuge par trahison. Car techniquement, historiquement et politiquement parlant, nul ne peut être de l’UPC et signer une alliance politique crédible avec…les autres là ! Ce genre « d’alliance » ne peut être qu’un pacte alimentaire, circonstanciel et opportuniste. L’opportunisme a obligé certains naufragés politiques à s’accrocher à un serpent ; mais l’opportunisme ne vaut pas un programme politique. Surtout pas un programme comme celui de l’UPC 48. C’est dire qu’aucune transaction, aucun contrat commercial progouvernemental ne fera ni vendre, ni acheter l’UPC. Que ceux qui font carrière dans le concubinage politique le sachent : ils offriront autre chose à leur Jômba, pas l’UPC !

Le pouvoir en place a accéléré et aggravé l’appauvrissement des populations pour pérenniser sa domination sur elles. Ce pouvoir ne lutte pas contre la pauvreté : il lutte contre les pauvres ! C’est pourquoi les moyens déjà difficilement réservés à la nivaquine et à l’eau potable sont toujours impunément détournés. Depuis son indépendance politique, notre pays est victime d’une administration vorace. Pour que le Cameroun accède à son indépendance économique, il nous faut des producteurs de richesses, des femmes et des hommes qui résistent à la faim et à la soif pour les avoir dominées par leur travail personnel de production.

C’est parce qu’ils ont su dominer leur faim et leur soif personnelles que les Pères Fondateurs de l’UPC ont conquis l’indépendance politique du Cameroun. Il faut consolider cette indépendance politique par une indépendance économique - laquelle passe par la libération de nos populations. Et libérer nos populations, c’est les amener à produire elles-mêmes des revenus qui leur permettent d’acheter elles-mêmes leur savon, leur nivaquine, leur pétrole.

Jeune Camerounais, Femme du Cameroun, Camerounais du Cameroun,

Tu n’es pas une jeunesse libre, tu n’es pas une femme libre, tu n’es pas un homme libre si tu dépends de quelqu’un d’autre pour avoir ton morceau de savon, ton sel ou ton pétrole.

Or cette politique de libération économique du peuple camerounais ne se fait pas ; elle est même combattue par le pouvoir dont le programme reste d’appauvrir le peuple pour mieux le dominer. C’est ce pouvoir-là qu’il nous est difficile d’applaudir. D’aucuns profitent de notre réserve pour prétendre que l’UPC 48 est dans l’Opposition. En vérité ce sont les autres, tous les autres partis politiques créés après 1948 qui s’opposent à l’UPC. Pendant longtemps, cette opposition était nourrie de l’extérieur de l’UPC et du Cameroun. Ces dernières années, comme vous le constatez, l’opposition à l’UPC 48 est orchestrée de l’intérieur même de l’UPC.

Il faut cependant rappeler aux professionnels de l’amalgame que par vocation l’UPC 48 milite pour la respectabilité internationale du Cameroun et pour le bien-être de ses populations. Mais

  • Si dénoncer l’institutionnalisation de la corruption signifie être dans l’opposition,
  • Si combattre l’enrichissement illicite signifie être dans l’opposition,
  • Si stigmatiser une administration improductive et de rapine signifie être dans l’opposition
  • Si refuser l’appauvrissement organisé des populations signifie être dans l’opposition,
  • Si interpeller les décisions qui font honte à notre drapeau signifie être dans l’opposition,
  • Si rejeter l’instrumentalisation du Législatif et du Judiciaire signifie être dans l’opposition,
  • Si revendiquer un avenir décent pour nos enfants signifie être dans l’opposition,

Alors, bien sûr, nous sommes de l’opposition ! Car dans ces conditions, opposition est synonyme de patriotisme. Je suis donc de cette opposition-là ! Et j’entends bien y rester, non par aigreur, mais par lucidité et par sincérité. Nous avons de la considération, et parfois du respect pour les Camerounais qui militent dans les partis autres que l’UPC. Nous reconnaissons à chacun le droit de se tromper de patriotisme. Mais ceux qui, pour avoir « un morceau » ou une fonction d’Etat, portent les couleurs de l’UPC et s’en vont battre campagne pour un système qui a bouché l’horizon de nos enfants, ceux-là ne peuvent s’attirer que votre mépris. Qu’ils prennent donc directement la carte du parti où ils sont en concubinage ! Ce serait, à tout perdre, moins indigne. Mais qu’ils ne comptent pas sur notre bonne éducation pour nous faire applaudir leur affaissement moral et leur imposture politique. Car s’il y a plusieurs manières de servir sa patrie, cautionner une gestion nationale calamiteuse sous prétexte que nous en tirons un profit personnel, c’est desservir sa patrie.

Notre pays tarde malheureusement à guérir des pratiques autocratiques du parti unique. Le Cameroun a cependant besoin d’un pluralisme salubre, et d’une opposition franche. En matière de démocratie et de gouvernance, un désaccord sincère est de loin plus utile à la nation qu’une flagornerie financée. L’expérience de la vie ayant montré qu’un ami irresponsable est plus dangereux qu’un adversaire éclairé, les observateurs de la scène politique camerounaise mesurent chaque jour combien les adeptes du concubinage politique embarrassent leurs propres alliés. Et chacun a palpé la vague d’indignation qu’ils provoquent dans l’opinion nationale. Ces observateurs se demandent encore si le pouvoir avait vraiment besoin de diffuser de lui-même cette image supplémentaire de corruption…

Mais cette culture de la corruption où le pouvoir a installé le Cameroun explique pourquoi certains adultes refusent de former des jeunes pour la relève. Les plus équipés tirent leurs dernières cartouches contre l’avenir, pour que toutes choses conduisent à eux, s’arrêtent à eux, et avec eux. Quand un homme d’un certain âge choisit de combattre ses propres enfants pour sauvegarder ses intérêts personnels, il finit par provoquer des « tirbilences sociales très dangéréses»…Si Ruben Um Nyobe avait fait pareil, le Cameroun n’aurait pas aujourd’hui des ministres d’Etat chargés de détruire l’UPC ou de la détourner de sa vocation progressiste.

En cette veille des « élections » législatives et municipales, le pouvoir a pris notre Mouvement en otage. Il l’a confié à ses domestiques. Tous espèrent que notre peuple déjà mutilé en sortira encore plus affaibli. Pour nous, l’UPC est l’enfant du jugement de Salomon : plutôt que de voir découper son enfant, le vrai parent préfère encore le voir entier, même entre des mains scélérates. L’usurpation de parenté ne peut être que temporaire, éphémère. L’UPC est un enfant qui sait toujours reconnaître ses vrais parents, et qui finit toujours par retrouver le chemin qui conduit vers la maison de sa vraie famille.

Nous devrons cependant contribuer à accélérer ces retrouvailles. L’UPC a conquis l’indépendance du Cameroun. Les Upécistes doivent conquérir l’indépendance de l’UPC. Il faut restituer l’Union des Populations du Cameroun à toutes les populations du Cameroun. Pour ce combat décisif, soyons prêts à adopter une stratégie à nous pour que l’UPC revienne aux nationalistes et aux patriotes de conviction que vous êtes.

Les Martyrs que nous enterrons aujourd’hui étaient de cette graine-là. Ils nous ont montré la voie. Ils ont enseigné par l’exemple que les seules actions valables sont celles qui résistent au temps et qui profitent à ceux qui viennent après nous.

C’est pour exalter cette générosité de visionnaire que Ruben Um Nyobe aimait chanter le Cantique 21 de l’Eglise Presbytérienne du Cameroun.

Chant

Aujourd’hui, chacun se proclame « héritier » de Ruben Um Nyobe. On a même vu un jeune vendeur de noix de cocos à Edéa se baptiser « Um Nyobe » et se présenter comme sa réincarnation. Mais comme son nom l’annonçait, le chimpanzé a fini par rentrer en brousse. D’autres héritiers autoproclamés impriment des tricots et osent placer leur visage à côté de la figure emblématique de Mpôdôl ! Ils prétendent qu’ils ont la « même vision » que Ruben Um Nyobe : la nuque et le front peuvent-ils avoir une même vision ?

Ces « héritiers » d’occasion ne se sont pas contentés de parasiter l’œuvre de Mpôdôl et de profiter de son sacrifice : ils le livrent quotidiennement à ses bourreaux ! Ils combattent l’UPC 48 avec acharnement. Mais on les entend déclarer qu’ils commémorent le 10 avril 48 et le 13 septembre 58 ! De quel 10 avril parlent-ils si 48 ne signifie rien à leurs yeux ? De quel 13 septembre parlent-ils ? Quels sont leurs Martyrs à eux maintenant qu’ils ont choisi de détruire l’UPC 48 ?

Leur complot contre l’histoire patriotique visait à effacer de nos mémoires tout souvenir des Patriotes. Soixante ans que cela dure ! Certains sont passés près de la fosse commune de Môm Dibang ; ils ont multiplié des promesses, mais ils ont juste offert de l’alcool pour toute action. Votre présence à Môm signifie que ce complot de l’amnésie est en train d’échouer. A vous, désormais, d’établir la différence entre les patriotes et les domestiques du pouvoir. Nous portions sans doute les mêmes couleurs. Mais il n’y a jamais eu, il n’y a et il n’y aura d’UPC que celle des Martyrs que nous sommes venus célébrer à Môm. Ceux qui ne sont pas avec nous aux côtés de ces Martyrs, ceux-là ne sont simplement pas avec nous !

Pourtant ils viendront demain à la pêche aux voix, déguisés en upécistes. En réalité, ils se presseront d’offrir vos voix au pouvoir qu’ils servent contre nous. Ils viendront, non parce qu’ils vous respectent, mais parce que vous comptez et qu’ils cherchent à vous utiliser pour leurs promotions personnelles. Eh bien, puisque vous comptez, ils apprendront désormais à compter avec vous. Ils veulent un vote ? Ils auront le vote qu’ils méritent : ils auront le vote de leur sanction !

Upécistes ! Patriotes, sanctionnez le concubinage politique !

Il faut les «pinir ». Et ils seront « pinis » !

Camarades,

L’heure de la clarification a sonné. Il ne suffira plus de porter le crabe noir sur fond rouge pour avoir un certificat de nationalisme; il faudra dépasser le militantisme de casquette et le valider par le patriotisme, puisqu’on a vu des boutiquiers de l’UPC porter le crabe noir et le livrer au marché du concubinage avec un autre parti politique. Certains se servent de l’UPC comme fonds de commerce, monnaie d’échange pour marchander des positions de confort. Ils incitent d’autres Camarades à se compromettre gravement pour assouvir leurs appétits matériels. Or le 17 mai 1953, le Bureau du Comité Directeur l’a affirmé sans réserve : l’UPC n’est pas « une organisation à vendre et acheter comme le sont l’ESOCAM et ses semblables ». Posons-nous donc cette question : quand nous aurons été Ministres, Députés ou Maires pendant toute notre vie, qu’aurons-nous laissé comme héritage moral et politique à nos populations ?

L’héritage de Ruben Um Nyobe n’est ni financier, ni matériel. C’est un héritage humain. Mpôdôl a renoncé aux honneurs, pour l’honneur. La pédagogie de son engagement se trouve dans la différence entre ce singulier et ce pluriel : car dès qu’il passe au pluriel, le terme « honneur » perd sa valeur éthique et pousse à la compromission. Les honneurs, éphémères et circonstanciels, ne valent pas l’honneur – qui seul triomphe du temps. L’honneur de Ruben Um Nyobe et de ses compagnons, l’honneur des Martyrs de l’UPC est donc aussi de nous enseigner par leur exemple de désintéressement qu’il faut savoir s’oublier pour devenir inoubliable.

Camarades,

Mesdames et Messieurs,

C’est le lieu de dénoncer l’autre complot dont notre Mouvement est victime depuis l’Indépendance, à savoir la tribalisation de l’UPC.

Quand il a fallu à une époque que des ministres entrent au gouvernement sous les couleurs de l’Union des Populations du Cameroun, tous les portefeuilles ont été confiés aux ressortissants d’une seule et même tribu. Les instigateurs de ce complot voulaient prouver que l’UPC n’est qu’un parti tribal. Et les « alliés » du système ont souscrit à cette manœuvre. Pourtant, l’UPC n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais un Mouvement ethnique ou régional. Le fief de l’UPC est national. Mais puisque tout est entrepris pour entraver son impact national, il nous revient de travailler pour que l’UPC 48 retrouve son assise nationale et toute sa dimension internationale.

Nous disposons de plusieurs atouts : non seulement l’UPC est le seul Mouvement camerounais que les historiens connaissent, mais au moment où nous parlons, les populations du Cameroun attendent que l’UPC se réorganise pour concrétiser elle-même son programme social. Car bien que ce programme soit de plus en plus plagié, il demeure mal appliqué par les plagiaires.

L’enjeu consiste à restaurer la liberté et la dignité de toutes les populations du Cameroun par la production locale de revenus individuels ou collectifs. L’UPC a une vocation de libération ; et la capacité d’un peuple à dire « Oui ! » ou « Non ! » tient à sa capacité de satisfaire ses besoins élémentaires. Il peut en résulter une liberté de choix qui protège nos populations des tentations de la corruption électorale. De cette manière, nous ne serons plus obligés de repêcher des tocards comme en 2002, lorsque deux candidats aux Législatives a perdu les élections jusque dans leur propre village, obligeant les autres candidats à combler leurs déficits électoraux.

Le sigle de l’UPC a été arbitrairement attribué aux domestiques du pouvoir, comme il y a quelques années. Mais ils n’ont pris que l’emballage ; c’est vous qui conservez l’âme immortelle. La voix de nos Martyrs doit donc continuer de se faire entendre dans la nation. Rappelons-nous qu’au-delà des étiquettes administratives, ce qui compte c’est l’action concrète auprès de nos populations. Car ce que vous voulez, ce sont des Elus qui travaillent pour vous, pas de simples porteurs de cravates ou de simples porteuses de chignons.

Il vous appartient de faire un choix judicieux de jeunes, de femmes et d’hommes capables de faire triompher l’esprit de 48 et disposés à le traduire en actions positives sur le terrain. Ne nous laissons pas distraire davantage. Pourquoi nous essouffler à rattraper un voleur d’emballage alors que c’est nous qui maîtrisons le contenu immortel de l’UPC ? Nous avons gardé la foi et le courage qu’il faut. Nous avons les jeunes, les femmes et les hommes qu’il faut. Apprêtons-nous. Surtout, apprenons dès maintenant à faire la passe électorale aux Camarades qui peuvent marquer des buts pour notre victoire collective.

Si nous prenons cette option, toutes nos populations, tous partis politiques confondus, soutiendront nos efforts patriotiques. Car ces populations vous ont vus à l’œuvre : elles savent déjà, et elles ont compris que les Elus de l’UPC 48 sont les seuls qui, jusqu’ici, ont travaillé pour l’intérêt général.

Le hasard a voulu que nous en parlions solennellement ici même, au pied du Mémorial du Martyr Inconnu. Mais le hasard, c’est l’autre nom de Dieu; c’est pour cela qu’on dit qu’il fait bien les choses.

Nos Martyrs sont profondément attristés par les divisions actuelles, provoquées par les uns et entretenues par les autres. Dans leur profonde tristesse, ils déplorent en silence les brutalités administratives dont nous sommes victimes. Mais ces stratèges expérimentés de la lutte sous maquis savent qu’en adoptant un nom de combat nous n’avons pas abandonné nos convictions de patriotes. Nous avons changé de maillot pour un match, nous n’avons pas changé d’équipe. Un silence politique de cinq ans desservirait notre cause et nous exposerait tous à la libre calomnie de l’adversaire. Notre mobilisation individuelle est donc un impératif patriotique.

Comme vous savez, je ne suis pas important ; c’est vous qui m’avez enseigné à faire de petites choses que vous trouviez importantes pour vous. Et quand une chose est importante pour vous, elle devient aussitôt importante pour moi.

Je suis donc aussi venu vous dire, sous le regard de nos Martyrs, que nous avons encore beaucoup de petites choses importantes à réussir ensemble.

C’est l’engagement individuel de chacune et de chacun d’entre nous qui garantira la victoire de notre action patriotique collective.

Vive l’UPC 48 !

Gloire aux Martyrs de l’Indépendance,

Dieu bénisse le Cameroun !