Intervention du 18 Décembre 2006
M. Le Président,
La présente session extraordinaire a quelque chose d’extraordinaire.
Elle est initiée par le Président de la république, et elle pose une grave question sur le destin politique, électoral et démocratique du Cameroun.
Partout dans le monde, « Président de la République, est une fonction qui mérite protection ». Il faut protéger cette institution, au-delà de la personne, et s’il le faut même contre la personne qui, à un moment donné, l’assume.
Par le texte soumis à notre examen, cette institution s’est mise en danger, toute seule. Et elle met en danger toutes les autres institutions : le Pouvoir Exécutif expose les autres Pouvoirs, le Législatif et le Judiciaire ; il expose même le reste de la nation parce que d’après ce texte, le Chef de l’Exécutif s’estime obligé de se protéger contre des élections libres, entendons contre la libre expression de la volonté du peuple – dont il est pourtant sensé tenir son mandat !
Celui qui reconnaît que le pouvoir vient du peuple est un démocrate. Celui-là ne peut plus, ne pense simplement pas à élever des murailles contre la libre expression de la volonté de ce peuple.
Celui qui reconnaît que le peuple est le véritable souverain ne rêve plus d’« apporter la démocratie » au peuple. Il ne vient à l’idée de personne de dire à une fontaine, « Je t’apporte de l’eau », puisque c’est la fontaine qui est la source même …
L’extraordinaire de notre session, c’est que par son projet de loi sur les élections, l’Exécutif national vient enfin de confirmer - à son insu - qu’au Cameroun nous ne sommes pas en démocratie, et que le pouvoir qui s’y exerce ne vient pas du peuple.
Le Chef de l’Exécutif veut bien consentir à en discuter dans un projet de loi, mais aucune application n’est envisagée de son vivant, en tout cas pas tant qu’il sera, comme on dit, « aux affaires ». Et nous comprenons qu’on vous ait donné rendez-vous dans 20 ans…
En attendant, l’Exécutif a retenu le Législatif la veille de Noël pour un cadeau au cyanure.
Ce projet de loi contraint le Parlement au suicide : l’Exécutif veut se servir des représentants du peuple pour dépouiller le peuple de sa souveraineté. Aussitôt après, le Pouvoir Exécutif exploitera ce suicide du Pouvoir Législatif pour dépouiller le Judiciaire de tout pouvoir, puisque la justice est rendue au nom d’un Peuple – que nous, les Députés aurons nous-mêmes spolié de sa souveraineté.
Au Cameroun, deux personnalités sont élues au suffrage universel : le Président de la République et le Député. Au nom de quelle démocratie le Président de la République exige-t-il des Députés qu’ils se suicident à son seul profit, et contre la souveraineté du Peuple même dont nous sommes tous sensés être les mandataires ? Quel compte rendrons-nous au peuple souverain de notre mandat de Députés une fois que nous aurons été poussés à dépouiller ce peuple de sa souveraineté ?
Je crois savoir d’où vient le vice.
Certains d’entre nous, et c’est la majorité, sont perdus entre la signature d’un Président de la République et la menace d’un Président de parti. Chez nous, l’arbitre du match électoral est dans la mêlée : il cherche aussi à marquer des buts !... Il siffle hors jeu contre l’adversaire qui va marquer et s’offre des penaltys.
M. Le Président,
La présente session extraordinaire a quelque chose d’extraordinaire.
Elle est initiée par le Président de la république, et elle pose une grave question sur le destin politique, électoral et démocratique du Cameroun.
Partout dans le monde, « Président de la République, est une fonction qui mérite protection ». Il faut protéger cette institution, au-delà de la personne, et s’il le faut même contre la personne qui, à un moment donné, l’assume.
Par le texte soumis à notre examen, cette institution s’est mise en danger, toute seule. Et elle met en danger toutes les autres institutions : le Pouvoir Exécutif expose les autres Pouvoirs, le Législatif et le Judiciaire ; il expose même le reste de la nation parce que d’après ce texte, le Chef de l’Exécutif s’estime obligé de se protéger contre des élections libres, entendons contre la libre expression de la volonté du peuple – dont il est pourtant sensé tenir son mandat !
Celui qui reconnaît que le pouvoir vient du peuple est un démocrate. Celui-là ne peut plus, ne pense simplement pas à élever des murailles contre la libre expression de la volonté de ce peuple.
Celui qui reconnaît que le peuple est le véritable souverain ne rêve plus d’« apporter la démocratie » au peuple. Il ne vient à l’idée de personne de dire à une fontaine, « Je t’apporte de l’eau », puisque c’est la fontaine qui est la source même …
L’extraordinaire de notre session, c’est que par son projet de loi sur les élections, l’Exécutif national vient enfin de confirmer - à son insu - qu’au Cameroun nous ne sommes pas en démocratie, et que le pouvoir qui s’y exerce ne vient pas du peuple.
Le Chef de l’Exécutif veut bien consentir à en discuter dans un projet de loi, mais aucune application n’est envisagée de son vivant, en tout cas pas tant qu’il sera, comme on dit, « aux affaires ». Et nous comprenons qu’on vous ait donné rendez-vous dans 20 ans…
En attendant, l’Exécutif a retenu le Législatif la veille de Noël pour un cadeau au cyanure.
Ce projet de loi contraint le Parlement au suicide : l’Exécutif veut se servir des représentants du peuple pour dépouiller le peuple de sa souveraineté. Aussitôt après, le Pouvoir Exécutif exploitera ce suicide du Pouvoir Législatif pour dépouiller le Judiciaire de tout pouvoir, puisque la justice est rendue au nom d’un Peuple – que nous, les Députés aurons nous-mêmes spolié de sa souveraineté.
Au Cameroun, deux personnalités sont élues au suffrage universel : le Président de la République et le Député. Au nom de quelle démocratie le Président de la République exige-t-il des Députés qu’ils se suicident à son seul profit, et contre la souveraineté du Peuple même dont nous sommes tous sensés être les mandataires ? Quel compte rendrons-nous au peuple souverain de notre mandat de Députés une fois que nous aurons été poussés à dépouiller ce peuple de sa souveraineté ?
Je crois savoir d’où vient le vice.
Certains d’entre nous, et c’est la majorité, sont perdus entre la signature d’un Président de la République et la menace d’un Président de parti. Chez nous, l’arbitre du match électoral est dans la mêlée : il cherche aussi à marquer des buts !... Il siffle hors jeu contre l’adversaire qui va marquer et s’offre des penaltys.
Au Cameroun, l’on n’aura pas été capable de sortir de cette contradiction pour affronter la compétition. Un pays géré dans un refus aussi opiniâtre de la juste compétition électorale ne peut, en aucun cas, prétendre accéder à la compétitivité économique internationale.
M. le Président, ce projet de loi n’est pourtant pas totalement négatif. Mais alors qu’on attendait une ferme expression d’une volonté politique, l’article 42 le réduit à une simple velléité, à un demi geste. Cet article 42, laisse dire à ses défenseurs, mal inspirés mais très intéressés, que le peuple camerounais n’est pas encore préparé à la démocratie. Ce n’est pas dans l’esclavage qu’on apprend la liberté. Ce n’est pas dans la dictature qu’on apprend la démocratie. Si après 25 ans l’on n’est toujours pas préparé à la démocratie, cela signifie qu’on a été ou un mauvais élève, ou un mauvais enseignant. La vérité c’est que le Pouvoir Exécutif demeure mal préparé, en tout cas mal disposé à faire droit aux aspirations démocratiques des Camerounais.
Voilà pourquoi chez nous, c’est l’autocratie qui semble la règle, et toute embellie démocratique l’exception. Le Pouvoir Exécutif se complaît dans l’intention démocratique où par l’adverbe « progressivement », il programme de retarder le progrès du Cameroun.
Voilà pourquoi cet article 42 est une gifle donnée au peuple et à ses représentants, après celle de 1996, pour une constitution que le même Pouvoir Exécutif refuse encore d’appliquer 10 ans après.
J’aurais été heureux de voir les élus de la nation s’exprimer librement, en protection de cette souveraineté dont le peuple leur a confiée une parcelle.
J’aurais vraiment été heureux de voir les élus de la nation se prononcer au-delà des menaces partisanes. Ce n’est cependant pas mon bonheur qui importe ici. Ce qui importe c’est la démocratisation effective du Cameroun.
Si la majorité écrasante choisit d’écraser la démocratie, elle aura choisi de faire gifler et le peuple, et les représentants du peuple. Elle aura œuvré pour le dysfonctionnement des trois Pouvoirs d’Etat du Cameroun, contre la crédibilité de la République.
Je voudrais douter qu’il existe un seul Député capable de souscrire à un tel complot.
Mais si par impossible il s’en trouvait, alors ce Député devrait, en sortant de cet hémicycle, rendre son insigne, sa cocarde et son écharpe, symboles de la souveraineté d’un Peuple qu’il aura trahi.
Joyeux Noël, quand même !
Merci, M. Le Président