Excellence,
En vous présentant mes sincères compliments, je vous serais reconnaissant de ne pas vous formaliser de la voie, fort inhabituelle, suivie pour la présente initiative.
Un drame de gouvernance, politique et moral, se prépare sournoisement depuis quelques mois dans la vie politique du Cameroun. Ce drame est porteur de germes de tragédie sociale. Il s’observe dans la manière dont l’Administration Territoriale entrave le fonctionnement légal de certaines formations politiques. Pour ne pas abuser de votre disponibilité, je me limiterai à l’Union des Populations du Cameroun, (UPC) parti politique connu dans le monde grâce à la lutte qu’il a menée pour l’indépendance du Cameroun.
Depuis sa création en 1948, l’UPC subit toutes sortes de brutalités administratives et judiciaires, l’administration du Cameroun indépendant ayant activement, et assidûment, pris le relais de l’administration coloniale. Ces pratiques récurrentes et instinctives sont devenues une culture au sein des administrations successives. Tant et si bien qu’en cette veille des consultations électorales, le Ministre en charge des élections tient, d’autorité et par abus de pouvoir, à consolider les brutalités d’hier en attribuant aujourd’hui l’UPC à un autre Ministre d’Etat, au seul prétexte que ce dernier a fait allégeance au pouvoir en se ralliant au Rassemblement Démocratique du Peuple camerounais (RDPC), le « parti » au pouvoir.
Nous nous serions gardé de déranger votre Excellence si cette attribution exclusive d’un patrimoine politique collectif à un individu s’était un tant soit peu appuyée sur les lois et les tribunaux de la République - comme cela se serait fait dans tout pays soucieux de bonne gouvernance. Mais l’on relève qu’une fois encore, les lois et la justice sont bafouées dans notre « Etat de droit » parce qu’il s’agit d’entraver l’UPC et de l’empêcher d’aller sereinement aux élections.
En effet, il existe de cette formation politique une Direction légale et légitime, élue au Congrès des 13 et 14 avril 2002 à Yaoundé. Des décisions de justice ont confondu pour défaut de qualité celui qui croyait pouvoir la contester devant les tribunaux: par l’ordonnance de Référé n° 713/C du 10 mai 2002 du Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, le Tribunal soulignant
« - que outre l'intérêt et la capacité, la condition pour être admis à ester en justice est la qualité
- que Augustin Frédéric Kodock ne justifie pas de la sienne,
a statué publiquement, contradictoirement à l'égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort a déclaré l'action d'Augustin Frédéric Kodock "irrecevable", l'a renvoyé à mieux se pourvoir, a mis les dépens à sa charge ».
Après avoir ainsi perdu son propre procès, l’intéressé a cru pouvoir se servir de l’OAPI pour s’y faire subrepticement attribuer « la propriété intellectuelle » de l’UPC. Il s’est donc fait délivrer un récépissé de « propriété » exclusive. Mais une fois éclairée sur le fait que M. Kodock ne tenait aucun mandat de la Direction élue et légitime de l’UPC, l’OAPI s’est désolidarisée de cette manœuvre pour le moins frauduleuse par lettre n° 5784/0API/DG/DPG/SCAJ/SSD du 23 Novembre 2006 adressée à M. Henri Hogbe Nlénd, Secrétaire Général élu de l’UPC.
Or c’est du document indûment obtenu de l’OAPI par M. Augustin Frédéric Kodock que M. le Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya s’est précipitamment prévalu dans ses injonctions à la Préfectorale pour affirmer que « le conflit de leadership qui existait au sein de ce parti politique (…) vient d’être réglé par l’arrêté 03/1491/0API/DG/DPG/SSD/HYK du 10 novembre 2003 du Directeur Général de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), portant protection des sigles et insignes de l’UPC et reconnaissant monsieur Augustin Frédéric Kodock et maître Nouga comme seuls mandataires de cette formation politique ». Pour ne rien faire à moitié, et toujours sur la base de ce document frauduleusement obtenu de l’OAPI, le Ministre d’Etat Marafa a ordonné aux autorités administratives du Cameroun «de n’autoriser à l’avenir que les seules demandes de réunions et manifestations publiques initiées par monsieur Augustin Frédéric Kodock pour le compte de l’UPC ». (cf. Lettre n° 000682/L/MINATD/DAP/CES du 09 Mars 2004).
L’oukase de M. Marafa, prononcée au mépris des décisions de justice pourtant en sa possession, est demeurée secrète jusqu’en 2006. Elle a fait interdire la tenue du Congrès statutaire de l’UPC convoqué à Yaoundé les 14 et 15 décembre 2006, au profit d’un « autre congrès » non statutaire convoqué par M. Kodock dans un hôtel de la place les 30 et 31 décembre 2006 - lequel s’est curieusement tenu en l’absence, pour tout dire à l’exclusion des deux tiers des Députés UPC !
Fort de son droit, la Direction légitime de l’UPC a intenté un procès en Référé d’heure en heure à l’imposture. Ce procès ouvert le 27 décembre2006 à effet d’interdire ce pseudo congrès n’a toujours pas connu de verdict… quatre mois après. Une référence pour un référé !Un autre procès au civil ouvert le 25 janvier 2007 à effet de disqualifier le principe même de la convocation dudit « congrès » traîne de renvoi en renvoi depuis trois mois. Rien n’interdit que le déni de justice ainsi instrumenté se prolonge jusqu’au lendemain des élections.
En effet d’un côté M. Kodock tire gloriole de ses « entrées » dans les tribunaux de la République. De l’autre l’Administration Territoriale « se prononce » dans la presse en se substituant à la justice, sans doute pour influencer l’issue des procès en cours. A l’évidence, le gouvernement du Cameroun ne croit même plus devoir dissimuler ses réflexes de malgouvernance, ici officialisés par sa détermination à délocaliser l’UPC en la livrant à une opposition choisie, constituée de personnages acquis au RDPC. L’observateur le plus neutre en vient à se demander en quoi le Pouvoir RDPC se croit tenu de compromettre le peu qu’il lui restait de crédibilité en s’encombrant d’«alliances » aussi impopulaires - où le faire valoir des divers figurants exhale un méchant parfum de corruption politique. Les déclarations sur la bonne gouvernance, faites la main sur le cœur, suggèrent que le gouvernement souscrive à l’existence d’une opposition franche, aussi nette que le commande le principe d’alternance. Nous en sommes encore bien éloignés, le pouvoir s’étant frileusement crispé sur la nécessité de corrompre la scène politique nationale pour survivre malgré ses insuffisances.
Excellence,
Ce pouvoir a grandement besoin de votre caution morale. Le Corps diplomatique a donc été invité sous bruyante médiatisation à visiter une exposition d’ordinateurs offerts par les Partenaires du Cameroun. Vous aurez donc vu des ordinateurs et enregistré des propagandes. Sans doute le Ministre en charge des élections vous a-t-il aussi expliqué comment il a entrepris de piéger le processus électoral avant même la convocation du corps électoral, lui qui a brutalement pris parti contre des décisions de justice favorables à l’UPC pour, en leurs lieu et place, favoriser son « allié » de collègue. Mais peut-être estime-t-il en secret que cette nouvelle agression administrative suffira à bâillonner la justice et à décourager la légalité républicaine, comme il est souvent déploré dans nos autocraties tropicales ?
Chaque fois que ses frasques l’embarrassent le gouvernement, en toute autocratie, sait toujours affirmer qu’il « n’a de leçon de gouvernance à recevoir de personne ». Il n’hésite cependant pas à mobiliser le Corps diplomatique accrédité au Cameroun quand il espère que ses maquillages administratifs et politiques lui permettront d’extorquer de bonnes notes aux Diplomates. La réalité peut donc bien être que le gouvernement se moque intimement de ce que le Corps diplomatique peut penser de sa gouvernance de façade, puisqu’à l’entendre, le pouvoir ne sert que si l’on en abuse.
Il restera alors à prendre acte, et à constater l’insidieuse hostilité du gouvernement aux efforts que la Communauté internationale déploie pour que des élections libres et transparentes puissent enfin s’organiser au Cameroun. Il nous semble en effet que vos efforts visent à épargner à nos populations des turbulences sociales tragiques que d’autres peuples ont douloureusement expérimentées. Quelle garantie de transparence et de sérénité le Ministre chargé des élections croit-il encore pouvoir donner si, d’entrée de jeu, il se complaît dans la collusion décriée plus haut ?
Ce n’est donc pas spontanément que le discours sur la liberté et la transparence des élections trouvera un début d’application au Cameroun. Que ceux qui protestent de leur bonne disposition veuillent bien dire s’il suffira toujours d’être membre du gouvernement pour s’arroger le droit de bafouer l’autorité de la chose jugée, quand la justice est rendue au nom du peuple ? Quelle crédibilité administrative un gouvernement croit-il pouvoir gagner lorsqu’il empêche opiniâtrement un parti politique de jouir de la légalité et de la protection que la Justice lui a reconnues ? De quelle gouvernance un tel régime espère-t-il convaincre l’opinion quand de simples correspondances administratives priment sur la loi et les décisions de justice ?
Le Ministre d’Etat Kodock ayant, le 2 décembre 2006 à Matomb, exhorté ses assujettis à utiliser leurs machettes le moment venu – et son incitation à la violence ayant été largement diffusée sur les antennes de la CRTV le 04 décembre 2006, le Député que je suis s’est cru le devoir civique de tirer sur la sonnette d’alarme quant à ces manières de faire susceptibles de déclencher des tragédies humaines. Quand on sait de quelle sanglante efficacité les machettes ont été au Rwanda, de telles incitations au carnage étonnent d’un Ministre d’Etat. Bien plus, elles démentent les assurances de paix sociale que le Gouvernement - dont ce ministre planifie et programme les actions - a présentées à la Communauté internationale. Faut-il toujours attendre qu’un incendie se déclenche pour chercher où se vendent les extincteurs ?
Convenons que les Ministres d’Etat impliqués dans cette inqualifiable besogne n’auraient pas trouvé mieux pour ternir l’image de transparence que le Cameroun espérait donner au monde à l’occasion du double scrutin en préparation. Mais l’Union des Populations du Cameroun a survécu à pire. Les élections n’étant qu’une étape ponctuelle dans la vie nationale, l’UPC saura survivre à cette nouvelle concussion dont le gouvernement n’a pas à se glorifier.
Excellence,
Nous avons pris la liberté de vous informer de l’infection qui gangrène les préparatifs de ces élections en nous prévalant d’une excuse : le monde moderne a évolué de la diplomatie des Etats vers la diplomatie des Peuples. C’est pourquoi au-delà de la représentation de l’Etat de votre pays auprès de l’Etat du Cameroun, votre Excellence représente tout son peuple auprès du peuple du Cameroun. Il se trouve que de par la constitution de ce pays, le Parlementaire que je suis représente tout ce peuple comme Elu de la nation. A cause de ce redoutable privilège, il ne suffira à personne d’entre nous d’être représentant : il nous faudra encore être représentatif de ce que nos peuples respectifs ont d’honorable et de valorisant.
Face à une administration en quête de caution par déficit de crédibilité et pour cause de malgouvernance, le diplomate et le parlementaire se rencontrent dans une noble obligation: prendre la parole certes, éventuellement délivrer des satisfecit, mais toujours au seul nom du Peuple qu’ils représentent. C’est dans cette conviction partagée d’honorabilité et de représentativité que je me suis adressé à mon Corps diplomatique, presque à mon corps défendant.
Car si votre Peuple vous a mandaté auprès de mon Peuple aujourd’hui en mal de démocratie et de bonne gouvernance, c’est sans doute parce que votre Peuple attend de vous, son mandataire, ce qu’il sait que mon Peuple attend de lui comme Peuple ami : le soulagement de ses souffrances et la levée des manœuvres de malgouvernance comme celle que nous signalons à votre vigilante bienveillance. Ce serait un indicateur probant au regard des promesses gouvernementales de liberté et de transparence électorales.
En vous renouvelant mes compliments je vous prie d’accepter, Excellence, ma très haute et bien respectueuse considération.
Hon. Charly Gabriel Mbock
Député UPC à l’Assemblée Nationale
En vous présentant mes sincères compliments, je vous serais reconnaissant de ne pas vous formaliser de la voie, fort inhabituelle, suivie pour la présente initiative.
Un drame de gouvernance, politique et moral, se prépare sournoisement depuis quelques mois dans la vie politique du Cameroun. Ce drame est porteur de germes de tragédie sociale. Il s’observe dans la manière dont l’Administration Territoriale entrave le fonctionnement légal de certaines formations politiques. Pour ne pas abuser de votre disponibilité, je me limiterai à l’Union des Populations du Cameroun, (UPC) parti politique connu dans le monde grâce à la lutte qu’il a menée pour l’indépendance du Cameroun.
Depuis sa création en 1948, l’UPC subit toutes sortes de brutalités administratives et judiciaires, l’administration du Cameroun indépendant ayant activement, et assidûment, pris le relais de l’administration coloniale. Ces pratiques récurrentes et instinctives sont devenues une culture au sein des administrations successives. Tant et si bien qu’en cette veille des consultations électorales, le Ministre en charge des élections tient, d’autorité et par abus de pouvoir, à consolider les brutalités d’hier en attribuant aujourd’hui l’UPC à un autre Ministre d’Etat, au seul prétexte que ce dernier a fait allégeance au pouvoir en se ralliant au Rassemblement Démocratique du Peuple camerounais (RDPC), le « parti » au pouvoir.
Nous nous serions gardé de déranger votre Excellence si cette attribution exclusive d’un patrimoine politique collectif à un individu s’était un tant soit peu appuyée sur les lois et les tribunaux de la République - comme cela se serait fait dans tout pays soucieux de bonne gouvernance. Mais l’on relève qu’une fois encore, les lois et la justice sont bafouées dans notre « Etat de droit » parce qu’il s’agit d’entraver l’UPC et de l’empêcher d’aller sereinement aux élections.
En effet, il existe de cette formation politique une Direction légale et légitime, élue au Congrès des 13 et 14 avril 2002 à Yaoundé. Des décisions de justice ont confondu pour défaut de qualité celui qui croyait pouvoir la contester devant les tribunaux: par l’ordonnance de Référé n° 713/C du 10 mai 2002 du Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, le Tribunal soulignant
« - que outre l'intérêt et la capacité, la condition pour être admis à ester en justice est la qualité
- que Augustin Frédéric Kodock ne justifie pas de la sienne,
a statué publiquement, contradictoirement à l'égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort a déclaré l'action d'Augustin Frédéric Kodock "irrecevable", l'a renvoyé à mieux se pourvoir, a mis les dépens à sa charge ».
Après avoir ainsi perdu son propre procès, l’intéressé a cru pouvoir se servir de l’OAPI pour s’y faire subrepticement attribuer « la propriété intellectuelle » de l’UPC. Il s’est donc fait délivrer un récépissé de « propriété » exclusive. Mais une fois éclairée sur le fait que M. Kodock ne tenait aucun mandat de la Direction élue et légitime de l’UPC, l’OAPI s’est désolidarisée de cette manœuvre pour le moins frauduleuse par lettre n° 5784/0API/DG/DPG/SCAJ/SSD du 23 Novembre 2006 adressée à M. Henri Hogbe Nlénd, Secrétaire Général élu de l’UPC.
Or c’est du document indûment obtenu de l’OAPI par M. Augustin Frédéric Kodock que M. le Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya s’est précipitamment prévalu dans ses injonctions à la Préfectorale pour affirmer que « le conflit de leadership qui existait au sein de ce parti politique (…) vient d’être réglé par l’arrêté 03/1491/0API/DG/DPG/SSD/HYK du 10 novembre 2003 du Directeur Général de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), portant protection des sigles et insignes de l’UPC et reconnaissant monsieur Augustin Frédéric Kodock et maître Nouga comme seuls mandataires de cette formation politique ». Pour ne rien faire à moitié, et toujours sur la base de ce document frauduleusement obtenu de l’OAPI, le Ministre d’Etat Marafa a ordonné aux autorités administratives du Cameroun «de n’autoriser à l’avenir que les seules demandes de réunions et manifestations publiques initiées par monsieur Augustin Frédéric Kodock pour le compte de l’UPC ». (cf. Lettre n° 000682/L/MINATD/DAP/CES du 09 Mars 2004).
L’oukase de M. Marafa, prononcée au mépris des décisions de justice pourtant en sa possession, est demeurée secrète jusqu’en 2006. Elle a fait interdire la tenue du Congrès statutaire de l’UPC convoqué à Yaoundé les 14 et 15 décembre 2006, au profit d’un « autre congrès » non statutaire convoqué par M. Kodock dans un hôtel de la place les 30 et 31 décembre 2006 - lequel s’est curieusement tenu en l’absence, pour tout dire à l’exclusion des deux tiers des Députés UPC !
Fort de son droit, la Direction légitime de l’UPC a intenté un procès en Référé d’heure en heure à l’imposture. Ce procès ouvert le 27 décembre2006 à effet d’interdire ce pseudo congrès n’a toujours pas connu de verdict… quatre mois après. Une référence pour un référé !Un autre procès au civil ouvert le 25 janvier 2007 à effet de disqualifier le principe même de la convocation dudit « congrès » traîne de renvoi en renvoi depuis trois mois. Rien n’interdit que le déni de justice ainsi instrumenté se prolonge jusqu’au lendemain des élections.
En effet d’un côté M. Kodock tire gloriole de ses « entrées » dans les tribunaux de la République. De l’autre l’Administration Territoriale « se prononce » dans la presse en se substituant à la justice, sans doute pour influencer l’issue des procès en cours. A l’évidence, le gouvernement du Cameroun ne croit même plus devoir dissimuler ses réflexes de malgouvernance, ici officialisés par sa détermination à délocaliser l’UPC en la livrant à une opposition choisie, constituée de personnages acquis au RDPC. L’observateur le plus neutre en vient à se demander en quoi le Pouvoir RDPC se croit tenu de compromettre le peu qu’il lui restait de crédibilité en s’encombrant d’«alliances » aussi impopulaires - où le faire valoir des divers figurants exhale un méchant parfum de corruption politique. Les déclarations sur la bonne gouvernance, faites la main sur le cœur, suggèrent que le gouvernement souscrive à l’existence d’une opposition franche, aussi nette que le commande le principe d’alternance. Nous en sommes encore bien éloignés, le pouvoir s’étant frileusement crispé sur la nécessité de corrompre la scène politique nationale pour survivre malgré ses insuffisances.
Excellence,
Ce pouvoir a grandement besoin de votre caution morale. Le Corps diplomatique a donc été invité sous bruyante médiatisation à visiter une exposition d’ordinateurs offerts par les Partenaires du Cameroun. Vous aurez donc vu des ordinateurs et enregistré des propagandes. Sans doute le Ministre en charge des élections vous a-t-il aussi expliqué comment il a entrepris de piéger le processus électoral avant même la convocation du corps électoral, lui qui a brutalement pris parti contre des décisions de justice favorables à l’UPC pour, en leurs lieu et place, favoriser son « allié » de collègue. Mais peut-être estime-t-il en secret que cette nouvelle agression administrative suffira à bâillonner la justice et à décourager la légalité républicaine, comme il est souvent déploré dans nos autocraties tropicales ?
Chaque fois que ses frasques l’embarrassent le gouvernement, en toute autocratie, sait toujours affirmer qu’il « n’a de leçon de gouvernance à recevoir de personne ». Il n’hésite cependant pas à mobiliser le Corps diplomatique accrédité au Cameroun quand il espère que ses maquillages administratifs et politiques lui permettront d’extorquer de bonnes notes aux Diplomates. La réalité peut donc bien être que le gouvernement se moque intimement de ce que le Corps diplomatique peut penser de sa gouvernance de façade, puisqu’à l’entendre, le pouvoir ne sert que si l’on en abuse.
Il restera alors à prendre acte, et à constater l’insidieuse hostilité du gouvernement aux efforts que la Communauté internationale déploie pour que des élections libres et transparentes puissent enfin s’organiser au Cameroun. Il nous semble en effet que vos efforts visent à épargner à nos populations des turbulences sociales tragiques que d’autres peuples ont douloureusement expérimentées. Quelle garantie de transparence et de sérénité le Ministre chargé des élections croit-il encore pouvoir donner si, d’entrée de jeu, il se complaît dans la collusion décriée plus haut ?
Ce n’est donc pas spontanément que le discours sur la liberté et la transparence des élections trouvera un début d’application au Cameroun. Que ceux qui protestent de leur bonne disposition veuillent bien dire s’il suffira toujours d’être membre du gouvernement pour s’arroger le droit de bafouer l’autorité de la chose jugée, quand la justice est rendue au nom du peuple ? Quelle crédibilité administrative un gouvernement croit-il pouvoir gagner lorsqu’il empêche opiniâtrement un parti politique de jouir de la légalité et de la protection que la Justice lui a reconnues ? De quelle gouvernance un tel régime espère-t-il convaincre l’opinion quand de simples correspondances administratives priment sur la loi et les décisions de justice ?
Le Ministre d’Etat Kodock ayant, le 2 décembre 2006 à Matomb, exhorté ses assujettis à utiliser leurs machettes le moment venu – et son incitation à la violence ayant été largement diffusée sur les antennes de la CRTV le 04 décembre 2006, le Député que je suis s’est cru le devoir civique de tirer sur la sonnette d’alarme quant à ces manières de faire susceptibles de déclencher des tragédies humaines. Quand on sait de quelle sanglante efficacité les machettes ont été au Rwanda, de telles incitations au carnage étonnent d’un Ministre d’Etat. Bien plus, elles démentent les assurances de paix sociale que le Gouvernement - dont ce ministre planifie et programme les actions - a présentées à la Communauté internationale. Faut-il toujours attendre qu’un incendie se déclenche pour chercher où se vendent les extincteurs ?
Convenons que les Ministres d’Etat impliqués dans cette inqualifiable besogne n’auraient pas trouvé mieux pour ternir l’image de transparence que le Cameroun espérait donner au monde à l’occasion du double scrutin en préparation. Mais l’Union des Populations du Cameroun a survécu à pire. Les élections n’étant qu’une étape ponctuelle dans la vie nationale, l’UPC saura survivre à cette nouvelle concussion dont le gouvernement n’a pas à se glorifier.
Excellence,
Nous avons pris la liberté de vous informer de l’infection qui gangrène les préparatifs de ces élections en nous prévalant d’une excuse : le monde moderne a évolué de la diplomatie des Etats vers la diplomatie des Peuples. C’est pourquoi au-delà de la représentation de l’Etat de votre pays auprès de l’Etat du Cameroun, votre Excellence représente tout son peuple auprès du peuple du Cameroun. Il se trouve que de par la constitution de ce pays, le Parlementaire que je suis représente tout ce peuple comme Elu de la nation. A cause de ce redoutable privilège, il ne suffira à personne d’entre nous d’être représentant : il nous faudra encore être représentatif de ce que nos peuples respectifs ont d’honorable et de valorisant.
Face à une administration en quête de caution par déficit de crédibilité et pour cause de malgouvernance, le diplomate et le parlementaire se rencontrent dans une noble obligation: prendre la parole certes, éventuellement délivrer des satisfecit, mais toujours au seul nom du Peuple qu’ils représentent. C’est dans cette conviction partagée d’honorabilité et de représentativité que je me suis adressé à mon Corps diplomatique, presque à mon corps défendant.
Car si votre Peuple vous a mandaté auprès de mon Peuple aujourd’hui en mal de démocratie et de bonne gouvernance, c’est sans doute parce que votre Peuple attend de vous, son mandataire, ce qu’il sait que mon Peuple attend de lui comme Peuple ami : le soulagement de ses souffrances et la levée des manœuvres de malgouvernance comme celle que nous signalons à votre vigilante bienveillance. Ce serait un indicateur probant au regard des promesses gouvernementales de liberté et de transparence électorales.
En vous renouvelant mes compliments je vous prie d’accepter, Excellence, ma très haute et bien respectueuse considération.
Hon. Charly Gabriel Mbock
Député UPC à l’Assemblée Nationale