dimanche 26 novembre 2006

Gouvernance: Pousser l'UPC au maquis


Gouvernance: Pousser l'UPC au maquis

Le gouvernement du Cameroun confirme sa nouvelle ambition de gouvernance : il ne lui a pas suffi de faire son marché dans le réfrigérateur de l’UPC. Les divisions provoquées n’ayant pas réussi à éradiquer l’UPC de la mémoire nationale, le gouvernement recourt à une méthode qui date de 1955 : pousser l’UPC au maquis ! L’histoire va donc sans doute se répéter. Or quand l’histoire se répète, disait Marx, c’est toujours comme une farce.

Il ne s’agit pas de hurler au complot comme ceux-là dont les casseroles managériales déclenchent un tintamarre de plus en plus assourdissant. Nous voudrions simplement faire l’opinion témoin des manoeuvres que le gouvernement inspire, entreprend ou entretient opiniâtrement pour que l’Union des Populations du Cameroun soit non seulement émasculée mais, une fois encore, exclue de la scène politique nationale. Et l’UPC le sera puisque bientôt, ses couleurs seront arborées par des « ralliés », figurants choisis et entretenus par un pouvoir dont la raison d’être, depuis les années 50, est l’éradication de l’UPC !

Quelques faits pertinents le démontrent.

Fait N°1 : Le gouvernement se dérobe derrière l'OAPI

Par lettre n° 000682/L/MINATD/DAP/CES du 09 Mars 2004, le Ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale et de la décentralisation, qui signe Marafa Hamidou Yaya, a ordonné aux autorités administratives du Cameroun «de n’autoriser à l’avenir que les seules demandes de réunions et manifestations publiques initiées par monsieur Augustin Frédéric Kodock pour le compte de l’UPC ».

Il aurait été saisi « par le Ministre d’Etat chargé de l’Agriculture et Secrétaire Général de l’UPC au sujet des déclarations de monsieur Hogbe Nlénd, relatives à l’organisation à Yaoundé le 10 avril 2004 dans le cadre de la célébration du 56è anniversaire de l’UPC, d’un forum dénommé « Forum pur le développement du Cameroun au 21è siècle, dans la réconciliation nationale, la paix et la sécurité ». A ses yeux, « le conflit de leadership qui existait au sein de ce parti politique (…) vient d’être réglé par l’arrêté 03/1491/0API/DG/DPG/SSD/HYK du 10 novembre 2003 du Directeur Général de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (AOPI), portant protection des sigles et insignes de l’UPC et reconnaissant monsieur Augustin Frédéric Kodock et maître Nouga comme seuls mandataires de cette formation politique ».

Cette correspondance d’Etat est riche de quelques surprises.

Nous apprenons en effet, du Ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale en personne, que contrairement à la loi N° 90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques, il ne suffit plus que lesdites réunions et manifestations publiques soient « déclarées » : il faut désormais qu’elles soient « autorisées » quand il s’agit de l’UPC… Mais cette formation politique ne sera sans doute pas la seule concernée, puisque le gouvernement révèle enfin l’esprit de sa loi sur les réunions et manifestations publiques. Ceux qui croyaient que la gouvernance à la camerounaise avait progressé du régime répressif d’autorisation au régime libéral de déclaration se feront librement une opinion sur l’excellence de ce progrès en matière de libertés publiques.

Nous apprenons ensuite qu’au Cameroun, le gouvernement est prompt à transformer des « Associations » par nature collectives, en « propriétés », quand ça l’arrange. Les corsaires politiques qui n’auraient eu aucune ressource intellectuelle ni morale pour créer l’UPC s’accrochent à leur concubinage avec le gouvernement pour en obtenir que l’UPC, créée en 1948 comme Mouvement politique et reconnue comme tel par les lois actuelles, soit réduite à une propriété intellectuelle individuelle !

Passe encore qu’un individu protège les sigles et insignes d’une association au nom des membres qui s’y reconnaissent et s’en réclament : mais qu’une association soit ainsi réduite à la propriété exclusive d’un individu à la représentativité somme toute douteuse confirme, sans conteste, que la patrimonialisation est le ressort de la gouvernance à la camerounaise : le gouvernement s’étant voulu propriétaire de l’Etat et du Cameroun ne peut qu’encourager la patrimonialisation des formations politiques – ainsi réduites aux individus, au détriment des projets de société.

Pourtant, au moment où le MINATD instruisait la Préfectorale nationale, il était en possession de documents judiciaires dont une simple exploitation lui aurait évité d’indigner l’opinion nationale et d’embarrasser l’opinion internationale !

Fait n°2 Le gouvernement bafoue l'autorité de la chose jugée

Le 06 Mai 2002, M. Augustin Frédéric Kodock a porté plainte à M. Henri Hogbe Nlénd pour " s'entendre ordonner la suspension de toutes les résolutions du Congrès de l'UPC tenu au Palais des Congrès de Yaoundé les 13 et 14 Avril 2002", et "annuler purement et simplement les résolutions et décisions prises".

Pour justifier son acte, l'intéressé s'est prévalu de la qualité de seul et unique Secrétaire Général de l'UPC. Le Tribunal, par ordonnance N° 713/C du 10 Mai 2002, retenant:

« - que outre l'intérêt et la capacité, la condition pour être admis à ester en justice est la qualité

- que Augustin Frédéric Kodock ne justifie pas de la sienne,

a statué publiquement, contradictoirement à l'égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort a déclaré l'action d'Augustin Frédéric Kodock "irrecevable", l'a renvoyé à mieux se pourvoir, a mis les dépens à sa charge ».

Le 22 avril 2003, par lettres N° 070 / SG/UPC, et 071/SG/UPC, le nouveau Secrétaire Général de l’UPC, Henri Hogbe Nlénd, a saisi les autorités de la république des deux décisions de justice relatives au « conflit de légitimité » à la Direction de l’UPC :

Ø L’Ordonnance de Référé N° 713/C qui précède, et que M. Le Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé a rendue le 10 mai 2002. Il n’est pas inutile de rappeler que c’est pour défaut de qualité que l’ancien Secrétaire Général, M. Kodock, a perdu le procès qu’il a intenté à la nouvelle Direction de l’UPC.

Ø L’expédition de l’Ordonnance de Référé administratif N° 30/OR/PCA/CS/200162002 rendue le 15 mai 2002 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême. Cette Ordonnance déclare « recevable » l’intervention du nouveau Secrétaire Général de l’UPC pour faire matérialiser par la Cour Suprême l’expiration depuis plus de dix ans du mandat statutaire et légal de la Direction de l’UPC issue du Congrès de Nkongsamba en 1991 et dont se réclamait encore l’ancien Secrétaire Général .

De nombreux cas de déni de justice ont été déplorés et dénoncés au Cameroun. Le mépris des décisions de la Justice ayant rangé le Cameroun dans les Etats de non droit, la communauté internationale a fait de l’assainissement du pouvoir judiciaire l’un des critères de bonne gouvernance et même d’atteinte du point d’achèvement. Il n’y a donc aucune joie à constater qu’en 2004, le gouvernement du Cameroun peut asséner au monde la preuve que la malgouvernance décriée n’était pas une calomnie, mais une tare promue en culture managériale.

L’on observe en effet que c’est au lendemain des décisions de la Justice susmentionnées qu’un individu s’est précipité à l’OAPI pour en obtenir un enregistrement sous le N°48424 du 10 Novembre 2003. Cette rage d’appropriation a même fait oublier que dix ans plus tôt, le 19 juin 1993 déjà, la même OAPI avait enregistré et protégé le même sigle « Union des Populations du Cameroun » sous le N° 32156, avec notification de cette protection aux personnes dûment mandatées à cet effet par l’UPC, conformément aux dispositions pertinentes de l’article 21 de son Règlement Intérieur. La grande différence entre les deux enregistrements c’est que la première protège un patrimoine réputé collectif, tandis que la seconde en fait une propriété individuelle ! L’un des deux certificats doit certainement être de trop, sans doute un faux.

Comment dès lors ne pas s’étonner qu’une Organisation de la propriété dite intellectuelle délivre aussi intelligemment le même certificat sur la même « propriété » à différents requérants, sans s’interroger ? Manque de professionnalisme dans le classement des registres ou simple intelligence avec des imposteurs? Suffira-t-il désormais de complicité gouvernementale pour qu’une association, entreprise ou organisation, se voit spoliée de son patrimoine par ceux dont l’objectif mal maquillé consiste à brader ledit patrimoine ? Le gouvernement peut-il, en toute responsabilité, abdiquer ses obligations régaliennes et céder la gestion administrative et sociale des partis politiques à l’OAPI en excipant « du respect des conventions internationales auxquelles notre pays a adhéré » ?

Ce sera bien la première convention internationale que le gouvernement aura trouvé urgent de respecter. Et nous dirions : « Oui, sans doute, et pourquoi pas ? ». Pourvu cependant qu’il soit établi que l’objet à enregistrer et à protéger par l’OAPI est effectivement l’invention, la création, la production intellectuelle de celui qui en revendique la propriété exclusive. En dehors de cela, il y a piraterie. En l’occurrence, même les adversaires les plus acharnés de l’UPC sont indignés d’apprendre qu’il se trouve, au Cameroun, des individus capables de s’imaginer qu’ils pourraient, sur la base de quelques complicités circonstancielles, s’arroger subrepticement la propriété d’un tel patrimoine politique national et historique…Le seul fait d’avoir entrepris une démarche aussi inqualifiable révèle cependant la petite nature des épiciers politiques qui monnayent l’UPC.

Dans ces conditions,il n’est ni excessif, ni désobligeant d’affirmer qu’au Cameroun la corruption politique est d’instigation gouvernementale : M. Marafa Hamidou Yaya est demeuré bruyamment silencieux quand son homme à perdu son procès contre l’UPC ; mais il a su retrouver l’usage de la parole quand il s’est agi de soutenir l’imposture commise auprès de l’OAPI. Et cette caution gouvernementale de l’imposture s’est officiellement déployée dans une véhémente interdiction prononcée à l’encontre de l’UPC.

Nous aurions voulu croire possible que le Ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale ait été induit en erreur. Mais les chiens d’un même village savent comment court chacun d’eux. La question est trop sensible pour que la légèreté explique ce choix, il s’agit d’un choix délibéré dans lequel chacun reconnaît la méthode que l’UPC a tragiquement expérimentée dans les années 50 !

Comment comprendre une récidive de cette violence quand on a entendu Paul Biya déclarer à Bamenda (1985) qu’au Cameroun, il ne sera « plus nécessaire d’entrer dans le maquis pour exprimer ses opinions » ?

C’est précisément parce qu’un nouveau bannissement de l’UPC a été minutieusement programmé qu’on peut comprendre pourquoi certains abus d’autorité dûment signalés ont été, sans exception, couverts par le Ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale. Ces différents abus seraient passés inaperçus si, par la correspondance incriminée, M. Marafa Hamidou Yaya n’avait tenu à parachever personnellement sa besogne.

Des abus d'autorité prémonitoires

Le 10 septembre 2003 le Sous-préfet de Mvengue s’est permis d’humilier publiquement M. Messi Messi François à Mengande : M. messi a eu le tort d’être militant de l’UPC en plein Sud ! Le « Chef de terre » a donc publiquement fait brûler son T-Shirt frappé aux insignes de l’Union des populations du Cameroun et l’a forcé à rester à genoux devant femme et enfants, dans la cour du village ! La lettre conjointe N° 154/ AN/CAB/CGM du 13 janvier 2004 adressée à cet effet par deux Députés UPC au Ministre d’Etat Chargé de l’Administration territoriale est demeurée sans suite.

Préoccupés par des indices troublants, notamment des lettres d’intimidation qu’un Ministre d’Etat venait d’adresser aux autorités administratives de Nyong et Kellé, deux Députés UPC ont saisi le MINATD de la lettre N° 250/ AN/CAB/CGM du 17 juin 2005 à effet de le sensibiliser aux entraves administratives que certains Elus UPC rencontreraient dans leur circonscription électorale quant au libre fonctionnement de l’Union des Populations du Cameroun. Sans suite.

Le 12 Août 2005, le Sous-préfet de Bôtmakak a, de ses propres mains, violemment détruit une banderole frappée aux insignes et aux couleurs de l’UPC. Il espérait ainsi provoquer la colère des populations et saboter une cérémonie de remise de dons par un Député. Une lettre conjointe N° 257/AN/CAB/CGM du 13 Août 2005 adressée par ce Député au MINATD est demeurée, elle aussi, sans suite.

Par lettre confidentielle N° 273/AN/CAB/CGM du 06 mars 2006, deux députés UPC ont saisi le Bureau de l’Assemblée nationale pour être rétablis dans leur droit de proposer des candidats aux fonctions administratives qui sont concédées à leur parti. Quoique majoritaires, ses deux députés sur les trois qui arborent les couleurs de l’UPC ont été mis en minorité, au seul bénéfice de celui qui est en concubinage dans la majorité présidentielle…Cette injustice est d’autant plus frappante que les subventions d’Etat aux partis politiques sont, à égalité, réparties entre les deux factions représentées au Parlement, sur la base d’un accord formel signé entre les deux « Secrétaires Généraux » en conflit à l’UPC. Mais cette distorsion du principe d’équité confirme simplement que c’est de fort curieuse manière que notre gouvernance respecte le principe de la majorité quand il s’agit de l’UPC !

Le même arbitraire prévaut dans la gestion de l’espace médiatique consenti par l’Etat du Cameroun aux partis politiques représentés à l’Assemblée : le gouvernement a, aveuglément mais de manière très intéressée, rangé l’UPC dans la majorité présidentielle. Seulement, deux députés sur les trois ne se reconnaissent pas dans cette concussion. Plutôt que de souscrire à une promiscuité politique propre à brouiller la visibilité de leur formation politique, ils se sont réservés d’intervenir sur ce plateau de la CRTV. C’est pourquoi l’espace médiatique qui devait revenir à l’UPC est, depuis bientôt cinq ans, infesté par des hérauts de la mendicité dont la logorrhée masque mal l’indigence intellectuelle et politique.

Pour avoir déjà dépouillé les décisions de justice de l’autorité de la chose jugée, le gouvernement pouvait désormais se permettre de porter ce qu’il croit être l’estocade à l’UPC, en lui interdisant des activités publiques dont il réserve l’exclusivité à ceux qui chantent les cantiques du pouvoir, et qui se prévalent de cette collusion pour négocier leur impunité. C’est de cette manière qu’insidieusement, le bannissement de l’UPC est redevenu une réalité à l’ordre du jour : le pouvoir en déficit de compétitivité entend dorénavant choisir ses Opposants, au besoin s’en fabriquer sur mesure.

Le Pouvoir ne tolère qu'une Opposition ...choisie

Ailleurs, c’est l’immigration ; chez nous, c’est l’opposition qui doit être choisie, sur mesure. Vingt cinq ans de parlotes n’ont donc pas réussi à donner le change : le régime en place se confirme inapte à la contradiction, fût-elle interne ou internationale. Le déroulement d’un récent congrès établit que le pouvoir n’a pas la possibilité de fonctionner autrement, l’unanimisme ayant supplanté toute velléité de compétition politique. On y est élu sans être candidat, sans concurrent et hors campagne. Le pouvoir désignatif persiste à supplanter le pouvoir électif.

Tout pouvoir qui ne supporte que soi en face de soi évite ainsi toute mise en compétition : il évince l’émulation par l’esprit de monopole. De ne pouvoir supporter que sa propre image finit par l’enfermer dans un narcissisme stérile où le record à battre ne s’évalue plus par rapport aux autres, mais par rapport à soi seul. Chacun de nous dispose du palmarès national et des multiples records que le pouvoir a battus dans de telles conditions. Le gouvernement ne travaillant plus qu’à choisir son opposition, dégage toujours des moyens substantiels pour tous ceux qui contribuent à étouffer la moindre velléité d’alternance politique. Ceux qui rêvaient de démocratiser le Cameroun savent désormais que la grande ambition de certains consiste plutôt à camerouniser la démocratie.

Mais personne ne devrait plus s’y tromper : les coups reçus par l’UPC depuis bientôt soixante ans n’ont pas réussi à la détruire. Pour ne l’avoir pas anéantie, ils l’ont au moins solidifiée dans les cœurs et l’inconscient collectif des populations du Cameroun. La braise rougeoie sous les cendres de la répression coloniale, néocoloniale, administrative ou militaire. Bien des martyrs nous font des clins d’œil au plus sombre de leur fosse commune. C’est qu’à l’UPC, nous savons mourir pour l’idéal qui nous aide à survivre. Il est par ailleurs notoire que l’UPC n’est pas un parti d’Opposition, mais le parti auquel les autres, tous les autres partis, s’opposent. Ceux qui poussent l’UPC au maquis pourraient donc bien réfléchir quand ils font des discours sur le dialogue citoyen et la paix sociale. Ils pourraient au préalable savoir s’ils sont déjà capables d’assumer, pour une fois, les conséquences perverses de leur perverse inconséquence ? Car aujourd’hui, pas plus qu’en 1955, ni les armes, ni les geôles ne représenteront ni le droit ni la justice, toutes valeurs républicaines que l’édit du MINATD, véritable oukase, a bafouées sans ménagement.

Dans une provocation d’Etat de cette gravité, il devient aventureux de se prévaloir de l’ordre public : tout pouvoir qui travaille contre l’ordre social se rend suspect de troubler l’ordre public. Or la politique aussi a une morale ; pour s’en être convaincu, Albert Camus (1944) estimait que le principe directeur de cette morale c’est la justice, celle-là même dont l’UPC en particulier, et les Camerounais en général, sont spoliés sous l’argutie de l’ordre public : pour Camus, « on ne peut invoquer la nécessité de l’ordre pour imposer des volontés. Car on prend ainsi le problème à l’envers. Il ne faut pas seulement exiger l’ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens. Ce n’est pas l’ordre qui renforce la justice, c’est la justice qui donne sa certitude à l’ordre ».

Rendu à cette exigence, il y a avantage à faire la différence entre nous et les autres qui, dès qu’ils se retrouvent hors du gouvernement, menacent la république d’arracher les rails qui passent par leur village. Nous avions, nous, la faiblesse de croire que le droit balbutiant pouvait être consolidé, et que l’Etat de droit le serait en fait, pas seulement en droit. Le droit a pourtant été dit par nos tribunaux. Mais ce droit n’a manifestement pas été favorable aux intérêts politiciens du gouvernement ; alors le gouvernement l’a contredit. Quel choix une telle pratique laisse-t-elle à ceux qui rêvaient encore de justice mais qui se trouvent plutôt violemment spoliés de leurs simples droits de militants ?

Pourtant nul, ni rien, ne nous fera désespérer. Pas même ceux qui, aujourd’hui, prennent le risque d’organiser des syndicats de Ministres d’Etat : s’il se trouve encore au Cameroun un seul dirigeant à penser que le drapeau national signifie autre chose qu’un carnet de bons d’essence, alors nous invitons instamment le gouvernement à faire œuvre utile. Nous n’attendons pas que les fils du sérail cassent le moule qui les a si curieusement déformés : un papayer ne peut produire des mandarines. Mais la scène politique nationale a urgemment besoin d’être aseptisée, désinfectée. Economisons les morts de l’intolérance politique dont le nombre risque d’augmenter pour cause de malgouvernance.

Cette gageure peut être tenue par un effort d’œcuménisme politique.

Oecuménisme et non concubinage politique

Faire œuvre utile reviendrait pour le gouvernement à mettre en berne les fanions de l’imposture en cours, pour conduire à des congrès de réconciliation tous ceux qui se croient nés pour diriger les autres. Les partis politiques vont et viennent. Le propre des partis, comme leur nom l’indique, c’est d’être partis. Ces partis partiront, les Camerounais resteront. Le gouvernement a-t-il les moyens de se rendre compte qu’il devient inutile, et même une charge dès lors que pour des raisons politiciennes il ne garantit plus ni la pérennité de l’Etat ni la sécurité quotidienne des citoyens ? Que dire alors d’un gouvernement qui, pour son petit confort, incite des citoyens à se déchirer ? Est-ce par cette incitation à l’intolérance partisane que se définira désormais l’ambition du pouvoir en place ?

Cette question vaut mieux qu’une réponse qu’on n’attend plus depuis des décennies. Il faut cependant se donner une chance supplémentaire, malgré la pléthore des occasions manquées. Cette chance, c’est l’œcuménisme politique : qu’on ne demande plus à un musulman d’aller au Vatican y prendre l’eucharistie. Qu’on ne demande plus à un chrétien d’aller à la Mecque y psalmodier des sourates. Qu’on ne demande plus au catholique de sacrifier au rituel de la Sainte Cène des Protestants, et inversement. Mais une fois que la patrie est menacée d’implosion comme c’est sans doute déjà le cas, que chacun, à partir de sa chapelle, fasse monter vers le Ciel sa prière la plus fervente, son sacrifice le plus pensé, pour que le drapeau soit protégé et sauvé de ce que nous voudrions nommer la gouvernite, cette propension tropicale à gouverner hors gouvernance.

On pourrait alors mesurer le ridicule, en fait l’abjection pour un Upéciste de s’affubler d’écharpes et de casquettes contre nature, sous le seul prétexte qu’à la fin de la course, le bon cheval qu’il aura été pendant une campagne électorale recevra un morceau de sucre. Il y a toujours un peu d’avoine pour celui qui sait faire l’âne ; mais nul ne devrait se vendre pour un plat de lentilles : résister à sa faim est un atout de dignité qui fait respecter ceux qui, hier, ont su avoir faim sans pour autant crier famine, encore moins vendre leur âme.

La manœuvre du Ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale fait craindre la préparation de nouveaux états d’urgence. On veut même nous laisser croire que cette besogne a été instruite par le sommet de l’Etat d’où descendent toujours de « hautes instructions ». Rien ne nous permet de douter de la réalité de telles instructions, encore moins de leur hauteur. Mais en marge des états d’urgence en préparation, l’urgence de l’Etat - qui devrait être patriotique et non plus répressive, commande au moins deux options majeures :

a)- que le MINATD exhorte plutôt les divers anges politiques en conflit de leadership ou de légitimité à se retrouver dans un Congrès de Réconciliation pour désigner, ensemble, l’Archange qui doit les conduire au paradis qu’ils se représentent.

M. Koungou Edima Ferdinand - dont la riche expérience nourrissait le double souci de pondération et de paix sociale, avait su obtenir de l’UPC une liste consensuelle. L’étape suivante était un congrès consensuel d’où devait enfin sortir une direction unique et non contestée de cette formation politique. Cette étape a été sabotée par ceux qui ont eu peur de ne plus rien avoir à monnayer et qui, dévaluant l’UPC, tentent aujourd’hui de la réduire à une propriété individuelle, d’en faire leur propriété ! Mais qui donc a toujours eu peur des élections ouvertes et libres au sein de l’UPC ? Un congrès électif collégial demeure le passage recommandé pour économiser des déchirements, préserver des vies et la dignité du militantisme citoyen. Il faut, pour cela, que chacun renonce à s’attribuer des qualités et une popularité qu’il n’a pas. Que chacun se présente à des électeurs, au lieu de s’arroger des titres de direction dans l’objectif mal dissimulé d’entraver l’épanouissement et le déploiement de l’UPC. La dictature germe et prospère chaque fois que l’intérêt personnel d’un Général cherche à s’imposer comme intérêt général.

b)- que le gouvernement du Cameroun arrête de faire son marché dans le réfrigérateur de l’Opposition. Dans le cas de l’UPC, il vient de se faire prendre en flagrant délit d’imposture en faveur d’une faction manifestement plus intéressée par des positions de prébendes que par une vocation de service. Si ce n’est pas de la corruption politique, cette manœuvre lui ressemble étrangement.

Qui donc expliquera, et avec quels mots, qu’en matière de gouvernance, il s’agit de défendre et de protéger les intérêts du Cameroun, non de se défendre et de protéger ses intérêts contre les Camerounais ?

Eliminer l’UPC conséquente de la vie nationale en la poussant au maquis ? N’en tolérer, pour des raisons décoratives que la frange gastronomique ? Ce programme est bientôt sexagénaire. Mais plus de cinquante ans après, l’UPC conséquente reste un caillou dans la chaussure des antipatriotes. Il est incontestable que l’UPC survivra à ceux qui arborent ses couleurs pour mieux la gangrener de l’intérieur.

Car j’entends déjà les Upécistes ironiser en manière de riposte: « Qui leur a menti que nous étions finis ? » . Je les entends qui, minuit passé, chantonnent à l’intention du Grand Absent, encore plus présent et plus demandé aujourd’hui que la plupart de nos zombies politiques dont les silhouettes d’épouvantails brouillent de leur inconsistance existentielle la visibilité de l’horizon national :

« Tu mourus immortel !Ton martyre t’épure

Tes fils ont le front haut quand ils parlent de toi. »

Hon. Charly Gabriel Mbock

Député UPC

- Texte rédigé le 17-08-2006, paru dans Le Messager.